Denise VB
denisevb@free.fr
vous pouvez retrouver les textes suivants sur le site de Jean Claude Pillon qui les a amicalement hébergés
http://home.nordnet.fr/~jcpillon/
Racontée à mes petits enfants
1ère partie.
Naissance de Bacbuc
François , mon mari , votre père et grand père , ne pouvait vivre sans bateau!
Il portait cette passion dans ses tripes! De mon côté je faisais volontiers équipe avec lui et les années que nous avons ensemble vécues le plus souvent en mer furent parmi les plus heureuses de mon existence!
A Oran où nous poussa notre destin au printemps 1954 , François toutes affaires cessantes s' était inscrit au Yacht Club dès notre arrivée.
Malheureusement il souffrait de n'être plus qu'un marin sans bateau , son star, Alligator était resté au Maroc, à Fédala.
A Oran, un médecin oto-rhino, André M. et Mimi son épouse sympathisèrent avec François. Ils nous invitèrent souvent dans leur vaste villa d ' Eckmuhl .
Un dimanche , sur le barbecue nous attendait une magnifique bonite grillée, pêchée à la traîne depuis le cockpit du Grangousier, leur bateau .
C 'était un petit cotre sans peur qui amenait les deux époux dans des croisières méditerranéennes et particulièrement aux Baléares chaque été.
Le constructeur, simple "charpentier de marine" M. ORTIGOZZA , se serait rendu insupportable par un caractère impossible si son talent , reconnu par tous , n'avait pas contrebalancé le désagrément de ses coups de gueule permanents.
"Grandgousier", son oeuvre, se comportait si bien sur les flots que plusieurs membres du club souhaitèrent lui confier la fabrication de bateaux de ce genre . L ' idée fut lancée d'une "flotte rabelaisienne".
Une flotte rabelaisienne
François , le premier, saisit la balle au bond et passa commande au charpentier de marine d'un deuxième Grandgousier, mais extrapolé, un peu plus grand , un peu plus large : chacun sait qu'il manque toujours un mètre de long et un de large à un bateau de plaisance!
En même temps, Denise -qui - représentait - toujours - le côté culturel- auprès de ces sportifs, était chargée de mission : il lui fallait trouver, dans l'oeuvre du maître un nom convenable , pas trop connu et rabâché comme Gargantua et Gargamelle , un nom original, qui sonnerait bien, un nom ra-be-lai-sien!
-"Eurêka! Le nom de la prêtresse de la dive bouteille qui accueille Panurge et ses compagnons pourrait faire l ' affaire! Pourquoi ne pas nommer le nouveau bateau "Bacbuc"?
C' est ainsi que le nom de " Bacbuc" entra dans les souvenirs de jeunesse des quatre enfants à la suite de mémorables vacances sur l ' eau de "mare nostrum"....
Plus tard aussi, un jour d 'été , à Saint Jean Cap Ferrat , l ' amie Juliette de passage sur la Côte , venant d ' Israël avec son ambassadeur de mari me dit:
-"Denise! Si vous venez en Israël avec votre bateau vous remporterez beaucoup de succès"!
-"Pourquoi"?
-"Parce qu'il s'appelle "Bacbuc"! En hébreu, "Bacbuc" signifie :"bouteille"!
Eh oui! Rabelais connaissait l 'hébreu, au même titre que le grec ou le latin et pour lui la prêtresse de la dive bouteille ne pouvait se nommer que "Bacbuc"!!!
BACBUC
2ème partie
Le Bébé et le Bateau
Lancement de "Bacbuc" dans le Vieil Oran
Le personnage ORTIGOZZA.
La gestation du bateau dura plus longtemps que celle du bébé Romain commandé en même temps.
Les deux longues attentes nous angoissaient, nous voyaient nous impatienter.
Nous étions loin d ' imaginer que deux ans plus tard tout notre univers se serait écroulé !
François souvent se rendait sur les chantiers pour surveiller les travaux dans l ' immense hangar. Ortigozza, le charpentier bien charpenté supportait mal ces intrusions dans son domaine et le ton montait, amplifié par des résonances dans le vaste local.
-"Voulez-vous une proue pointue ou rectiligne"?
- "Pointue! C' est un pointu"!
- "Vous avez admiré le mat ? Il est spécial !"
-"La grande voile? Vous devrez la commander en Bretagne si vous la voulez rouge"!
François la voulait rouge , comme celle des Vikings!
- "Voulez-vous une roue ou une barre"?
-"Une barre "...
- "Les bois que j ' utilise sont les plus beaux , les plus nobles! Ne riez pas! Votre bateau restera sec dans les temps les plus forts, foi d ' Ortigozza"!
Le Jour "J"
Enfin arriva le jour "J", lorsque le bateau fin prêt, fleurant bon le bois de qualité , prit la route de la mer proche.
Toute une équipe de gaillards baraqués, des copains du charpentier , assura sa difficile sortie du hangar . Dehors, la foule des curieux de tous âges, béats devant l'incroyable monument dont accouchait le local du voisin!
Par quelle technique propulser cette montagne de bois jusqu' au petit port de pêche? Serait- il possible d ' y parvenir?
Les anciens Egyptiens fournirent l'exemple : des rondins de bois , déplacés après chaque poussée , allaient permettre de faire avancer le navire au long des ruelles du vieil Oran !
Pour les enfants du secteur c' était fête! Occasion rarissime! Eux aussi voulaient aider! Accompagnés par les nouveaux venus, de plus en plus nombreux, ils poussaient, riant , criant, battant des mains, pieds nus dans la poussière!
Ainsi peu à peu avança Bacbuc vers son univers, la mer Méditerranée dans laquelle il plongea, pour se retrouver flottant comme la bouteille à la mer dont il portait le nom sans le savoir!!!
-" Il est complètement vide! Il faudra le lester, le remplir, pour lui donner son assise définitive"!
Le capitaine, heureux propriétaire , saisit la barre et prit le chemin du Yacht Club , à quelques encablures ...
Au club, c'était fête.
Tous les sociétaires , jumelles en main avaient suivi l ' entrée dans les flots du nouveau venu et voulaient saluer son arrivée!
La marraine , Mimi M. , lança comme il se devait , la bouteille de champagne , écrasée contre la proue dans les applaudissements.
Le charmant M. Porcher , bien connu pour son grand magasin de meubles de qualité, et dont le yacht servait maintenant à ses enfants en raison de son âge, tint à monter dans Bacbuc.
Lui aussi eut droit aux applaudissements:
-" Ce Porcher est fantastique! A soixante dix ans il monte encore sur un bateau"!!!
La grande période oranaise commençait.....